La littérature arabe : Celle qui ose explorer la sexualité et l’érotisme malgré l’interdiction

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Quelle place pour l’expression du désir et de la sexualité dans l’art et la littérature arabe ? Les tabous et les interdits demeurent. La littérature arabe contemporaine porte la voix d’une nouvelle génération d’écrivains qui plaide pour une sexualité libérée des carcans infligés aux corps et aux esprits. Certains romans en dressent un portrait plus sombre, entre prostitution, misère sexuelle et violence. Écrits par des mains autant masculines que féminines, ils ont parfois fait l’objet de scandale.

Voici donc quelques exemples concrets dans ce sens :

Un parfum de cannelle

La nuit est tombée sur Damas, lorsque Hanan al-Hachimi, bourgeoise oisive et aisée, se faufile à pas de loup dans la chambre de son vieux mari honni. Quelle n’est pas sa surprise de découvrir la jeune Alya, sa servante, en pleins ébats avec lui ! …

La nuit de noces de Si Béchir

Un village tunisien isolé, en 2011, juste après la chute de la dictature. Béchir et Mustafa, deux amis d’enfance, devisent sous un arbre, non pas des événements de la capitale, qui parait très lointaine, mais d’une rumeur insistante qui les affecte durement tous les deux : il y a bien longtemps, lors de sa nuit de noces, Béchir, pris de panique, aurait été incapable de déflorer son épouse Mabrouka, et aurait fait appel à Mustafa pour s’épargner la honte de son impuissance et le scandale de ne pouvoir exhiber, comme le veut la tradition, un drap taché de sang, preuve de la virginité de la mariée

La garçonne

Sabiha est une jeune femme originaire du Sud de l’Irak, qui poursuit ses études à la faculté des lettres de Bagdad. Arrêtée le lendemain du coup d’Etat de février 1963, en raison de sa liaison amoureuse avec Badr, un militant communiste, elle est affreusement torturée et violée par ses geôliers ; à sa sortie de prison, brisée, elle découvre qu’elle est enceinte et que Badr a été tué.

Commence alors une longue confession de Sabiha où sont dénoncés l’archaïsme, l’hypocrisie, la cruauté, le machisme qui ravagent la société irakienne, et que la répression politique ne fait qu’ancrer davantage dans les moeurs. La narratrice dévoile parallèlement ce qui la rattache encore à la vie : sa recherche éperdue du plaisir sexuel, ses amours avec ses amies Hoda et Hijran, ses liaisons passionnées mais toujours insatisfaites avec des hommes de passage…

Salué par la critique à sa parution en 2000, ce roman à la fois sensuel, lyrique et corrosif a été interdit à la diffusion dans la plupart des pays arabes. Il est souvent cité dans les études sur l’érotisme dans la littérature arabe contemporaine, et notamment sur l’homosexualité féminine.

La Répudiation

La répudiation retrace la vie difficile de Rachid depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte, dans un récit rapporté à son amante Céline. Rachid, le protagoniste du roman, raconte à son amante la réalité atroce de l’Algérie, son pays natal, à travers un récit autobiographique. Le divorce injustifié de sa mère par son père qui l’a abandonné pour la jeune fille Zoubida a engendré une haine excessive de Rachid envers son père.

La chambre de l’araignée

En mai 2001, dans un bar flottant sur le Nil, le Queen Boat, la police égyptienne arrêta cinquante-deux homosexuels qui seront inculpés d’outrage aux bonnes mœurs et d’hérésie. Hani Mahfouz fut incarcéré le jour même de la rafle alors qu’il se promenait en compagnie de son ami Abdelaziz. Il passa en prison plusieurs mois d’incessantes humiliations et en sortit brisé, physiquement et moralement, et ayant perdu la parole. Reclus dans une petite chambre d’hôtel, où seule une araignée comblait sa solitude, il entreprit de consigner son histoire depuis son enfance, la croisant avec celles de ses compagnons d’infortune durant son arrestation, tous victimes de l’incompréhension de leurs proches et d’un rejet social quasi unanime…

Le grand mérite de La Chambre de l’araignée n’est pas seulement d’explorer en profondeur, et pour la première fois, la condition homosexuelle en Égypte, mais aussi de le faire dans une langue toute en retenue, en évitant les clichés et les anachronismes.

La Preuve par le miel

Avec humour et volupté, une intellectuelle syrienne met en miroir les textes érotiques de la littérature classique arabe, ses souvenirs personnels et les témoignages qu’elle recueille autour d’elle, dans le monde arabe. Le récit né de ces fragments malicieusement ajustés est traversé par la figure d’un amant énigmatique, désigné comme le Penseur, et dont la présence éveille une sensualité sans équivoque, une douce obscénité qui confine au sublime.

Salwa Al Neimi dévoile les désirs et les fantasmes féminins, universels et intemporels, sans honte ni fausse pudeur. Elle incarne une féminité moderne, érudite, qui porte l’héritage millénaire d’une culture arabe conciliant plaisirs du corps et élévation de l’esprit. Son étonnante liberté de ton et d’idées, sa poésie mêlée d’impertinence ont fait de La Preuve par le miel un phénomène sans précédent dans les pays arabes : en tête de liste des best-sellers depuis sa parution en mars 2007, il a créé un véritable choc dans le grand public et la presse

Mémoires de la chair

Mémoires de la chair, récompensé par le prestigieux prix Naguib Mahfouz et le Prix Nour de la meilleure œuvre féminine en langue arabe, est, plus qu’un roman, un hymne à une ville perdue. Constantine, Ksantina, Cirta, la Cité des Ponts, le Rocher… autant de noms qui chantent la cité adulée et blessée, symbole d’une Algérie meurtrie par des années de guerre et le tragique échec des idéaux révolutionnaires de l’indépendance. Khaled, l’ancien moudjahid, a choisi l’exil. Mais à Paris, où il est devenu un peintre célèbre, une femme le rappelle à son passé : Hayat, la fille de son ancien chef de maquis, qu’il a connue lorsqu’elle n’était qu’une enfant. Tendre et violente, enjôleuse et insaisissable, Hayat s’offre à Khaled pour mieux se dérober. Comme Constantine, elle porte en elle le deuil de ses proches et la douleur des amours défuntes, inscrites, dans sa chair, en lettres de feu.

L’amande

Témoignage d’une jeune femme musulmane sur sa vie intime lors de sa rencontre avec un homme passionné et raffiné

Mauvaises passes

Mohammed Ibrahim, jeune Cairote d’une vingtaine d’années, décide avec son ami Moneim de partager une chambre dans le centre-ville. Loin de sa famille et loin du terne destin conjugal. Il est appelé à connaître aux côtés de sa cousine Hind, sa fiancée, avec qui il entretient une relation beaucoup trop convenable à son goût. S’il affirme à ses parents que ce pied-à-terre facilitera ses recherches d’emploi, Mohammed entend surtout disposer d’une garçonnière, condition sine qua non pour multiplier à son gré les conquêtes féminines. Mais, dans cette métropole où l’intimité est un combat de tous les jours, où l’homme est un pigeon pour l’homme, où la vie réserve souvent de mauvaises surprises, les déconvenues sont nombreuses.

Mohammed Salah al-Azab jette une lumière crue sur la misère sexuelle de la jeunesse masculine du Caire, tout en décrivant avec beaucoup de justesse et un humour ravageur les combats ordinaires de sa génération, sur fond de crise du logement et de corruption généralisée.

Femme interdite

A quoi bon ce corps ? se lamente l’héroïne de ce roman, en égrenant ses souvenirs. Élevée dans une famille yéménite traditionnelle, elle a grandi sous le joug des préceptes et des interdits. Soumission ou transgression, elle n’a pas d’autre choix. Loula, sa sœur aînée, qui se sert de son corps pour vivre et faire vivre sa famille, a choisi la rébellion. C’est elle qui l’initie à la sexualité par ses récits et quelques cassettes ”culturelles”. Mais quand son frère, d’abord fervent marxiste, devient un fou de Dieu et l’entraîne dans le Djihad, elle ne peut qu’obéir. Entre religion et frustration, elle suivra son inexorable destin…

Un portrait brûlant, dérangeant, d’une femme brisée par une société hypocrite

L’Armée du salut

Dans la maison où il est né, au Maroc, le père a sa chambre, le frère aîné la sienne. Lui dort avec sa mère et ses soeurs. Cocon familial chaleureux et sensuel. Les enfants savent tout des amours de leurs parents. Mais, par pudeur, on n’en parle pas.

Il est adolescent lorsque son grand frère l’emmène à Tanger. Premier voyage qui lui révèle la vraie nature de ses désirs. Il se prend de passion pour cet aîné qu’il vénère et qui, tombant amoureux d’une femme, l’abandonne à son désespoir.

Vingt ans. Enfin, il débarque à Genève pour poursuivre ses brillantes études. Il a tant rêvé d’Europe, de livres, de cinéma, de liberté ! C’est la solitude qu’il découvre, loin des siens. Il est séduisant, il en joue. Dès lors, comment échapper à l’image d’objet sexuel que lui renvoient les hommes qu’il rencontre, y compris ceux qui veulent son bien ?

Abdellah Taïa a écrit l’itinéraire d’un enfant de notre siècle, en recherche d’équilibre entre la tradition marocaine et la culture occidentale, entre le désarroi et l’ambition de réussir. Il brave les hypocrisies, à la fois cru et délicat, naïf et malin, drôle et émouvant.

Le Pain nu

Une famille, dans le Maroc des années 40, quitte le Rif pour Tanger. Afin d’échapper à l’écrasante tutelle du père, auquel ses enfants vouent une haine sans partage, le narrateur s’éloigne bientôt des siens. Il connaît la gamine, les nuits à la belle étoile, et rencontre la délinquance, les amitiés nouées dans les bas-fonds de la ville, la sexualité, la prison, la politique. Quinze ans après la parution du Pain nu, la voix de Mohamed Choukri apparaît toujours comme celle d’un écrivain majeur. Présenté et traduit de l’arabe par Tahar Ben Jelloun

Le dernier combat du capitaine Nîmat

Le captain Ni’mat, réserviste de l’armée égyptienne vaincue par les Israéliens en 1967, se retrouve vieillissant et désoeuvré à passer ses journées dans un luxueux club privé du Caire avec d’anciens compagnons. Une nuit, le captain Ni’mat fait un rêve magnifique et glaçant : il voit la beauté à l’état pur sous la forme de son jeune domestique nubien. Eveillé par ces images fulgurantes, il se glisse jusqu’à la cabane où dort celui-ci. La vision de son corps nu trouble si profondément le captain Ni’mat que son existence monotone en est brusquement bouleversée. Il découvre, en cachette de son épouse, l’amour physique avec le jeune homme ; cette passion interdite dans un pays où sévit chaque jour davantage l’intégrisme religieux va le conduire au sommet du bonheur et à la déchéance.

Messaouda

Prostituée, initiatrice, sorcière, Messaouda est un personnage de légende. Elle fait l’unanimité des désirs, et chacun la vénère comme une sainte. Dans un monde hanté par ses terreurs, elle incarne la liberté et la vie. Après sa mort, Driss répudiera son épouse, abandonnera ses enfants, s’en ira à la recherche de sexes pubères ou incrédules. Il ne tardera pas à trouver des matrices ouvertes à ses obsessions. Quant à son fils – le narrateur -, il apprendra l’atroce vérité sur la médiocrité de son père qui fut mêlé aux événements sanglants de la colonisation

Harrouda

Harrouda n’apparaît que le jour. Elle commence par lâcher ses cheveux en avant et tourne sur place. Puis elle relève sa robe. Le narrateur n’a que le temps d’y croire, déjà le rideau est baissé. Le reste, il le retrouve dans ses rêves à chaque étape de son adolescence.

Harrouda, prostituée déchue, fut son premier amour, et celle qui le fit grandir et voyager. De Fès, ville de toutes les vertus, à Tanger, ville de toutes les trahisons

La vie sexuelle d’un islamiste à Paris

Mohamed ben Mohamed, 40 ans, HEC, banquier, vit toujours à Saint-Ouen avec sa mère et son frère. Mais il a pris une décision aussi secrète qu’irrévocable : déménager dans un appartement bourgeois du 7ème arrondissement et en finir avec l’abstinence sous toutes ses formes. Le rêve accompli, il n’en a pourtant pas fini avec sa mère, ni avec ses problèmes sexuels. Car toutes les femmes qu’il rencontre sont non seulement, à son grand dam, arabes mais se refusent à lui pour des raisons diverses? Sous forme de confidence à un interlocuteur qui prend peu à peu les traits d’une romancière algérienne, Mohamed, l’ancien expert en religion, éduqué par un grand-père, autorité soufie, déroule une vie faite de mensonges, d’impostures, de désirs floués. Celle d’un fils musulman conditionné à obéir à sa mère, à satisfaire ses souhaits de femme frustrée et surpuissante. Incapable de lui résister, impuissant à s’affirmer.

Comme tous les romans de Leïla Marouane, une autopsie implacable de l’univers asphyxié du monde arabe contemporain, et particulièrement algérien :

l’homme ligoté par la religion, la famille, la mère, enferré dans une sorte de schizophrénie dont on pressent qu’il ne peut se sortir.Mécanique du récit fatale et parfaite, vigueur de l’écriture, logique intrinsèque sans concessions, on ne ressort pas indemne d’un roman de Leïla Marouane malgré son sens détonant de l’humour et de la dérision.Leïla Marouane a vécu en Algérie jusqu’en 1990. Elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Fille de la Casbah et Ravisseur chez Julliard, Le châtiment des hypocrites et La jeune fille et la mère au Seuil, qui ont reçu plusieurs prix tant en France qu’à l’étranger : prix de la SGDL, prix du Roman français de New York, prix Jean-Claude Izzo, Liberatur Price Allemagne?.

Fracture du désir

Qu’elle dise l’enchevêtrement des corps dans l’enfer de l’amour à vendre, qu’elle saisisse dans son incongruité la présence d’une tête solitaire chez le magicien de la foire des Zaërs, qu’elle évoque la séduction d’une voix entendue au hasard d’une promenade dans les rues de Paris, Rajae Benchemsi parvient à donner une matérialité au vertige des sens.

Irréductibles à leur seul sujet, ces six récits, dont l’épicentre est la chair, en majesté ou en putréfaction, disent la réalité de la prostitution, de la solitude, du meurtre, du deuil ou de l’absence. Leur violence, leur efficacité narrative, leur profondeur de champ tiennent à une langue poétique et âpre à la fois, oscillant sur une ligne de crête entre deux imaginaires. Car si l’on trouve ici une inspiration proche de George Bataille, il y a dans le pouvoir d’envoûtement que revêtent ces textes comme un obsédant souvenir des contes des Mille et Une Nuits.

Chocolat chaud

«On marchait lentement, ou plutôt au rythme de l’aveugle, je rêvais de tout et surtout de ce lieu que Youssr se réjouissait de nous faire découvrir, qu’il aimait tant et qu’il nommait “la plus belle piscine du monde”. Pendant cette marche, je ressentais aussi pour la première fois la sensation que ma mère m’accompagnait, qu’elle était présente. J’en étais tellement heureux que je l’ai murmuré en m’appuyant sur la pointe des pieds dans un bout d’oreille de Youssr. “Je suis accompagné”, dis-je. “Par qui ?” dit-il. “Ma mère”. Et Youssr ne m’a plus posé de questions. Je sentais l’âme de ma mère sans une goutte de sang, je me voyais naître et puis ensuite enfant avec tous les droits, un père, une mère, une patrie, et le bonheur aussi de marcher aux côtés de deux personnes que j’aimais spécialement et qui m’initiaient au monde.»

Les Basses œuvres

Les Basses Oeuvres s’attaque aux trois tabous de la société saoudienne : le sexe, la politique et la religion”, écrit Alain Gresh dans sa préface. L’intrigue du roman a pour centre Jeddah, capitale économique du royaume, que l’argent du pétrole a profondément altérée, défigurée même, diraient les trois héros. Tarek, Ossama et Issa sont trois adolescents nés dans les années 1960, trois mauvais garçons qui ne sont maîtres ni de leurs choix ni de leur destin.

Car face à leur vieux quartier s’érige le Palais, lieu mythique où se concentrent l’argent et le pouvoir. Le seigneur des lieux n’a pas de nom, on ignore ses origines et son histoire, mais il fait régulièrement la une des journaux, qui louent ses oeuvres de charité. En réalité, dans le palais coulent l’argent, la débauche et l’alcool. Grisé par ces promesses de luxe, Tarek entre au service du Maître.

Comme tous ceux qui ont fait ce choix avant lui, il abdique sa liberté. Racontant son histoire, il tente de nous attirer dans son piège, nous faisant complices et voyeurs. C’est le récit d’une chute sans fin, où bourreaux et suppliciés tombent dans le même abîme

Tenir compte de nos recommandations et découvrir la sensualité arabe !

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