L’amour existe-t-il ? La conception sartrienne de l’amour

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La conception sartrienne de l’amour

La conception sartrienne de l’amour

Jean Paul Sartre fut un philosophe français du XIXe siècle, fondateur de l’existentialisme athée (courant de pensée qui place au premier plan la notion de liberté). 

Selon Sartre, l’homme n’a aucune raison d’exister, étant donné qu’il n’est pas le produit d’une conception, ni le résultat d’un projet qui aurait une finalité. L’homme est libre, il n’a pas de nature prédéfinie. Il peut, donc, emprunter n’importe quel chemin, sans avoir à accomplir un certain objectif qu’on lui aurait imposé. 

Jean Paul Sartre

(photo par Kalboz, via Flickr)

En ce qui concerne l’amour, Sartre le définit comme étant le désir de s’approprier l’autre comme être libre. Pourquoi l’amour est-il désir de possession et quel est le rapport qui s’établit entre l’amour et la liberté de l’être aimé ? L’amour est-il impossible ? Y a-t-il une solution ?

Dans cet article, je vais tenter de présenter de manière générale la conception sartrienne de l’amour et de fournir, dans la mesure du possible, des réponses satisfaisantes aux questions ci-dessus.

 

L’amour c’est le désir de s’approprier l’autre

Tout d’abord, ce désir de s’approprier l’autre se manifeste par le désir d’union avec l’aimé. Et vu que nous sommes des êtres de chair, ce désir d’union trouve sa première matérialisation dans l’union physique de l’acte sexuel. 

Ensuite, lorsqu’on est amoureux, l’on éprouve le besoin de rapprochement tactile avec l’être aimé. Ce besoin découle, lui aussi, du désir d’union mentionné auparavant et se satisfait par l’acte de s’embrasser, de se serrer dans les bras, etc.

En outre, le désir d’union avec l’être aimé est visible également dans l’espace social. Ainsi, dans la société, deux amoureux tendent à agir en tant que membres du couple respectif et non plus en tant qu’individus. Par le fait de se mettre en couple, les deux personnes donnent naissance à une nouvelle entité. Cela a pour conséquence l’affaiblissement de la personnalité, car le couple amoureux représente une nouvelle entité née des deux individualités et qui remplace par une personnalité collective les deux personnalités individuelles des membres. 

Jusqu’ici on a parlé seulement de l’amour comme désir d’union avec l’être aimé. La question que l’on peut se poser par la suite serait : comment le désir de possession voit-il le jour ? Quelle est l’origine du désir de possession tel qu’il résulte de l’affirmation de Sartre ?

La vérité est que les deux sont étroitement liés l’un à l’autre : le désir d’union à l’être aimé implique instinctivement le désir de le posséder. 

Aimer, ce n’est pas seulement éprouver des sentiments pour une personne, mais aussi désirer que l’autre éprouve les mêmes sentiments pour nous. 

Aimer est, dans son essence, le projet de se faire aimer – J.P. Sartre

C’est vrai. Si l’amour n’était pas le désir d’être aimé, la séduction n’existerait pas. Si lorsqu’on aime une personne on cherche à lui plaire, c’est parce qu’on veut qu’elle nous aime en retour. Ses sentiments à notre égard ne nous laissent pas froids, par contre, il nous est nécessaire de les connaître.

Aimer, c’est vouloir être aimé. L’amour exige, donc, la réciprocité. 

Et c’est à partir de l’instant ou l’on obtient cette réciprocité que va démarrer ce que Sartre appelait un processus d’asservissement de l’être aimé.

On impose une série d’exigences à l’être aimé. On exige des preuves de son amour. Pourquoi ? Pour nous persuader qu’il nous aime comme nous l’aimons. 

Lorsqu’on dit « je t’aime » à quelqu’un, on n’attend pas qu’il nous réponde « merci », sa réponse doit être « moi aussi ».

Le désir de posséder l’autre c’est l’écho de notre désir d’union, accompagné de la conscience que l’autre nous est fondamentalement inaccessible. 

Il est impossible de savoir avec certitude si les sentiments de l’autre pour nous correspondent en intensité à nos sentiments, alors on cherche à vérifier constamment que l’être aimé est digne de notre amour. 

Notre attente de réciprocité nous pousse à vouloir avoir accès à la conscience de l’aimé (on veut savoir si on occupe ses pensées et si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’il ne nous aime pas autant que nous l’aimons). 

Les exigences, les attentes, tout cela renvoie plutôt à l’ego qu’au sentiment amoureux. 

On entend souvent dire que le vrai amour, c’est l’amour désintéressé, qui n’attend rien en retour. 

Et pourtant, le vrai amour est, en réalité, l’amour comme nous le vivons tous. 

Le sentiment que nous recherchons, ce n’est pas un amour à sens unique, mais un amour partagé, un amour qui s’accompagne du désir de la présence de l’autre, de sa présence physique.

L’amour dont nous, les mortels, faisons l’expérience, c’est un amour qui réclame la présence physique de l’autre, il ne se satisfait pas de la connexion spirituelle avec l’aimé, mais il a besoin d’en avoir la confirmation charnelle. 

 

L’amour c’est le désir de s’approprier l’autre en tant qu’être libre. 

Dans la philosophie sartrienne, la condition humaine se définit par la liberté. Contrairement aux choses, l’homme n’est pas déterminé dans ses actions. Il a le pouvoir de faire ce qu’il choisit de faire. 

À cet égard, l’autre est celui qui échappe à ma maîtrise, celui qui n’a pas besoin de moi pour accomplir son projet existentiel. Une personne qui serait soumise à ma volonté, perdrait aussitôt sa valeur, qui découle du fait qu’elle est libre. Ce qui nous plaît chez l’autre, c’est sa liberté, c’est aussi le pouvoir qu’il a de ne pas nous aimer.

Lorsqu’on éprouve un amour très profond pour quelqu’un, la conscience du fait que l’aimé nous aime en retour produit en nous un sentiment de plénitude (la sensation d’avoir trouvé notre partie manquante).

L’origine d’un tel sentiment, c’est le fait que nous ignorons la raison pour laquelle l’autre nous aime. L’amour de l’autre est précieux, parce qu’il est imprévisible et immaîtrisable. 

L’amour nous pousse à désirer l’amour de l’autre, ce qui nous pousse à vouloir en prendre le contrôle, car un amour non-réciproque signifierait l’échec de notre amour. 

Et pourtant, Sartre affirme que si nous pouvions contrôler les sentiments de la personne aimée, cela ne nous procurerait aucune satisfaction. 

L’amour est un paradoxe

Selon Sartre, le grand paradoxe de l’amour résulte du fait qu’il est à la fois désir de posséder l’autre et désir d’indépendance de l’autre. 

Le drame de l’amour réside dans sa contradiction : ce qui nous attire chez l’autre est en même temps ce qu’on veut lui ravir : sa liberté. 

L’homme, en soi, est un paradoxe. Sa condition est caractérisée par l’insatisfaction. Il est important de réaliser que l’ennemi de notre accomplissement, c’est nous-mêmes. L’autre n’est pas responsable des exigences que nous lui imposons. L’amour exige de la réciprocité et cette réciprocité ne sera jamais absolue.

Qu’est-ce qu’il nous reste à faire ? 

Selon la conception sartrienne de l’amour, une solution serait d’aimer quand même l’autre, malgré toutes les exigences que nous lui infligeons et malgré ses défauts. Nous pourrions l’aimer, parce qu’il n’est pas ni meilleur, ni pire que nous-mêmes. Il est comme nous-mêmes et il souffre, à son tour, de l’infortune de l’existence humaine.

Lisez aussi : La lutte contre la dépression

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