New York est la première des quatre grandes capitales depuis qu’Helmut Lang a décidé en 1998 de remanier complètement le calendrier de la mode en présentant les collections en septembre plutôt qu’en novembre, comme le voulait alors la tradition. D’autres créateurs ont suivi le mouvement et depuis, New York a donné le ton de chaque saison à venir. Mais l’histoire de la Fashion Week de New York est plus complexe que cela – retour sur son parcours, de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.

La mère NYFW : Eleanor Lambert

Née dans l’Indiana, elle a étudié la sculpture à Indianapolis et à Chicago avant de s’installer à New York en 1925 – et de changer le cours de l’histoire de la mode américaine. Travailleuse acharnée, elle a commencé sa carrière dans la publicité dans le monde de l’art, puis a participé à la création du New York Dress Institute en 1941. En 1943, elle innove à nouveau en créant la semaine de la presse. Avant la Seconde Guerre mondiale, Paris était l’épicentre de la mode : aussi bien les acheteurs que les journalistes y convergeaient pour découvrir ce que les couturiers s’apprêtaient à produire. La capitale française dictait les tendances, et de nombreuses marques de mode basées aux États-Unis imitaient ce qui traversait l’Atlantique. Mais alors que la guerre se poursuivait à travers le monde et que Paris restait sous occupation allemande, une opportunité est apparue pour la mode américaine de tracer sa propre route.

Eleanor a imaginé un concept simple. La semaine de la presse se tiendrait dans un lieu centralisé – l’hôtel Plaza – et réunirait des journalistes de New York mais aussi d’ailleurs (elle payait des reporters venus des quatre coins des États-Unis pour les rejoindre). Et l’événement était réservé exclusivement à la presse. Les acheteurs devaient organiser des visites distinctes pour voir les showrooms. Son plan fonctionna à merveille. Les jeunes talents étaient enfin pris au sérieux, certains créateurs américains – parmi lesquels Claire McCardell, Hattie Carnegie, et Norman Norell – étant enfin reconnus par des magazines comme Vogue et Harper’s Bazaar. Deux ans plus tard, en 1945, Ruth Finley commença à s’atteler à la coordination de ce qui devint ensuite le calendrier de la mode : le but duquel était de s’assurer que les défilés des créateurs ne se chevauchaient pas, et de fournir aux spectateurs un programme détaillé. Un rôle qu’elle continua à assurer pendant près de 70 ans.

Le développement de la NYFW

Dans la décennies suivantes, ce calendrier accueillant toujours plus de défilés a permis aux Etats-Unis de s’inscrire en tant qu’acteur légitime dans la mode, propulsant certains des plus grands noms d’aujourd’hui, comme Oscar de la Renta ou encore Ralph Lauren. En parallèle de l’évolution des silhouettes et des tendances culturelles, la nature des défilés s’est elle aussi transformée. Les présentations se sont éparpillées, chaque créateur choisissant le site le plus adapté à sa vision. Au départ, il s’agissait de grands magasins et de showrooms. Au fil du temps, boîtes de nuit, lofts, et galeries se sont ajoutés à la liste.

Pendant ce temps Eleanor Lambert c’était encore en activité. Sa contribution le plus notable c’était  la participation à la création du Council of Fashion Designers of America (CFDA) en 1962, qui visait la reconnaissance de l’industrie américaine de la mode tant sur le plan culturel qu’économique. Et les défilés ne faisaient que croître – en envergure comme en qualité. Des défilés d’Halston – auxquels assistaient des célébrités telles que Bianca Jagger et Liza Minnelli, et qualifiés de “forme d’art ultime des années 1970” par Andy Warhol – aux présentations de Diane von Furstenberg, les années 1970 étaient placées sous le signe de l’extravagance et de l’innovation. Et dans les années 1980, le volume est encore monté d’un cran (voir les défilés tape-à-l’œil de Betsey Johnson) et les épaulettes sont passées une taille au-dessus, grâce à des créateurs tels que Donna Karan, et sa collection Seven Easy Pieces de 1985 pour la femme moderne et élégante.

Le renouveau

Au début des années 1990, la presse et les acheteurs étaient au bout du rouleau. Pour assister à tous les défilés organisés aux quatre coins de la ville – aussi bien dans des appartements que des bâtiments industriels – la Fashion Week faisait courir les spectateurs dans tous les sens à un rythme effréné. Ce sentiment de frustration a fini par atteindre son paroxysme en 1991, lorsqu’une partie du plafond s’est effondré pendant un défilé Michael Kors, saupoudrant de poussière la célèbre frange banane de Suzy Menkes. À la suite de cet incident, les journalistes se plaignant de leurs conditions de travail devenues hasardeuses (d’autres pépins avaient été signalés, notamment des pannes d’ascenseurs et d’électricité), Fern Mallis, à l’époque directrice du CFDA, a décidé que la Fashion Week de New York devait changer de cap. Et plus important encore, devait trouver un nouvel espace. Et c’est ainsi que l’événement est redevenu centralisé, lorsque deux tentes blanches ont été installées à Bryant Park pour accueillir la majorité des défilés.

Le reste de la décennie fut ensuite marqué par un grand nombre de moments mémorables – du défilé Perry Ellis d’inspiration grunge de Marc Jacobs en 1993, à la démarche nonchalante de Kate Moss sur les podiums de Calvin Klein. Sans oublier qu’en plus des top models, cette décennie a aussi marqué la montée en puissance des personnalités au premier rang des défilés : Julia Roberts, Leonardo DiCaprio, Drew Barrymore, et Mariah Carey, parmi tant d’autres. Le nouvel emplacement à Bryant Park s’est également accompagné d’opportunités de partenaires officiels, l’événement biannuel étant rebaptisé Mercedes-Benz Fashion Week vers la fin des années 1990.

La NYFW d’aujourd’hui

Après avoir bravé la tempête du nouveau millénaire, la NYFW a été confrontée à de nouveaux obstacles – mais aussi à de nouvelles opportunités – dans les années 2000. En 2001, pour la toute première fois, les défilés ont été annulés à la suite des attentats du 11 septembre (aujourd’hui encore, la Fashion Week est planifiée en évitant les dates anniversaires importants). Les années suivantes ont été marquées par de grandes avancées, et une flopée de nouveaux créateurs émergents, parmi lesquels Rodarte, Thakoon, Jason Wu, Prabal Gurung, et Alexander Wang.

L’explosion mondiale du street style et des blogs a également profondément modifié la nature de la Fashion Week, élargissant la manière dont la mode était diffusée et véhiculée. Des hordes de photographes ont marché dans les pas de Bill Cunningham, père fondateur de la street photography, et des personnalités telles que Tavi Gevinson et Bryanboy ont fait leur apparition. Tout cela coïncidait aussi avec un changement de site. En 2010, le calendrier affichait près de 300 défilés, et le Lincoln Center, qui offrait plus d’espace pour cet événement désormais gargantuesque, semblait être la meilleure option. Mais la NYFW n’y a pas séjourné longtemps, puisqu’un groupe de militants a porté plainte contre le service municipal des parcs de New York quatre ans plus tard, déclarant que la Fashion Week avait un effet préjudiciable sur le Damrosch Park voisin.

Aujourd’hui elle se déroule aux Spring Studios de Tribeca, mais de plus en plus de créateurs optent à nouveau pour des défilés hors site et des installations réalisées par leurs soins. Dès fascinantes robes boules de Tomo Koizumi, aux messages engagés de Pyer Moss, en passant par les mélanges de matières d’Eckhaus Latta, l’ingéniosité et le rythme palpitant.

 

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